L'aérodrome militaire allemand de Sivry en 1916

Au début de la guerre de 14-18, l’aviation militaire en était à ses balbutiements. Ses premières missions sont les mêmes que celles des ballons utilisés précédemment, à savoir la reconnaissance et le réglage des tirs d'artillerie, puis le bombardement léger. C'est afin d'empêcher et de contrer les missions adverses qu'apparaissent les premiers avions de chasse.

La guerre italo-turque est le théâtre de la première utilisation militaire de l'aviation : le 23 octobre 1911, un aviateur italien (le capitaine Carlo Piazza) survole les lignes turques pour une mission de reconnaissance et, le 1er novembre, la première bombe lancée de l'air par un avion tombe sur les troupes turques en Libye. Le 10 septembre 1912, un monoplan Nieuport est le premier avion abattu au combat, descendu par une batterie de mitrailleuses. Il faut attendre le 5 octobre 1914 pour enregistrer le premier combat aérien entre un avion français et un avion allemand, près de Reims

Les allemands ont une base importante à Metz-Frescati, mais ils ont besoin de bases de départ plus proches de Verdun lors de la grande bataille de 1916.

 

Photo tirée du livre de Alex Imrie « Pictorial History of the german Air Service » publié à Londres chez Ian Allan en 1971

Ils créent alors les KEK (Kampfeinsitzer Kommando : commandos de chasseurs monoplaces) au nord et à l’est de Verdun. Les Kek sont de petites unités de quelques avions et une infrastructure légère. On en trouve à Stenay, Jametz, Vaux, La ferme de Chassogne à Aincreville et à Sivry. Celui de Sivry a été mis en place par l’As allemand Oswald BOELCKE.

D’après Mr Poillot qui a reçu les témoignages d’anciens du village il était situé dans la prairie entre Meuse et canal au nord ouest de Sivry. Voici ce qu’en dit Boelcke lui-même dans ses notes : Donc j'ai demandé la permission à l'installation un nouveau terrain d'aviation près du front. Ici j'ai choisi un pré agréable. Je suis totalement indépendant, a obtenu une voiture personnelle et un camion, un Unteroffizier et quinze hommes.

Boelcke a laissé des notes qui ont été publiées sous forme de livre en 1919 par Johannes WERNER Le livre a été réimprimé en 1991. Il y parle surtout de ses combats et signalent les lieux par des initiales, censure oblige.

Il s’installe donc à Sivry le 11 mars 1916 et est rejoint par le Lieutenant Werner NOTZE qui s’écrase le 29 avril près de Consenvoye, son avion ayant heurté de l’aile un câble d’un ballon d’observation. Il est remplacé par le Lieutenant Ernst Von Althaus. Début juin le KEK Ferme de Chassogne est fusionné avec Sivry, puis le 27 juin c’est celui de Jametz qui rejoint aussi Sivry qui devient une base importante : 6 Fokker monoplans.

Le KEK devient alors la Jasta 6 (Jagdstaffel, Escadrille de chasse) et ce jusqu’au 23/9/1916 sous le commandement du Rittmeister (Capitaine) Joseph WULFF.

Emplacement de l'aérodrome  près du port du canal. On distingue les tentes et semble t-il un avion près de la tente de droite. cette photo aérienne du 25/9/1916 a été prise par le Lieutenant GAUTIER,Fernand, natif de Manheulles. Il était stationné à Fismes (51)) et volait sur un Caudron.

Oswald BOELCKE a obtenu 40 victoires. Il s’est écrasé près de Bapaume le 28/10/1916. Il avait 25 ans. Ils étaient engagés contre des avions anglais. Boelcke attaque un ennemi sans voir qu’un de ses collègues, Erwin Böhme, attaque lui aussi le même avion. Ils s’accrochent et s’écrasent tous les deux. Böhme en réchappe, mais Boelcke qui ne portait jamais de casque et qui n’avait pas attaché ses sangles meurt. A l’annonce de sa mort le Royal Flying Corps largue une couronne de fleurs sur le lieu du scratch. « A la mémoire du Capitaine Boelcke, brave et chevaleresque ennemi ».

A cette époque les aviateurs se prenaient pour des chevaliers des temps modernes, ils s’estimaient et se connaissaient tous.

Ses funérailles furent célébrées en la cathédrale de Cambrai le 31/10/1916 en présence de son élève et recordman de victoires (80), le célèbre Richtoffen surnommé « le baron rouge ».

Il est enterré le 2/11/1916 à Dessau-Rosslau en Saxe-Anhalt. On trouve écrit quelquefois qu’il repose dans le cimetière militaire allemand de Consenvoye. C’est une erreur. Pourquoi à Consenvoye alors qu’il est mort près de Bapaume dans le nord ? Toutefois on peut comprendre la méprise sachant qu’un homonyme, sans lien de parenté se trouve à Consenvoye. Il s’agit de Letho BOELCKE, lui aussi aviateur, de la jasta 67, né le 16/9/1896 à Wittomin et abattu près de Montzéville le 20/8/1918 en attaquant un ballon.

Boelcke s’était déjà fait remarquer pour son esprit chevaleresque quand il a sauvé de la noyade le 28/8/1915 à Douai un jeune garçon de 14 ans : Albert Clément Germain François Delplace.

Gaston Graf qui s’occupe du site « Köeniglich Preussiche jagdstaffel 2 Boelcke » a écrit à la mairie de Douai en 2006 pour savoir ce qu’était devenu ce garçon. La secrétaire, Anne-Josée PETITJEAN, a répondu qu’Albert DELPLACE était décédé le 8/4/1919.

 Boelcke a édicté plusieurs règles fondamentales du combat aérien : le Dicta Boelcke. Certaines sont toujours applicables de nos jours. C'est une liste de règles fondamentales applicables en combat aérien.

Au nombre des victoires arrive en tête Manfred von Richthoffen, 80, suivi du français René Paul Fonck, 75 victoire, qui lui a survécu à la guerre et est mort en 1953.

 Autre as allemand : Hermann Goering, futur maréchal de l’air, avec 22 victoires.  

 

Fokker E IV (1915) 49 exemplaires produits

 

Type : Chasseur monoplace

Motorisation : un moteur rotatif Oberursel de 120 Kw refroidi par air.

Performances : vitesse maxi : 160 km/h

                          Autonomie : 220 kms

                          Plafond pratique : 3300 m

Dimensions :     longueur : 7,49 m

                          Hauteur : 3,06 m

                          Envergure : 9,98 m

                          Surface alaire : 16 m2

Armé de deux fusils-mitrailleurs : LMG-08/15

 

Article paru dans la revue aéronautique "Aéro Journal" n°5 de mars 1999

 

LE PLUS JEUNE CAPITAINE DE L'ARMEE ALLEMANDE

 

          La bataille de Verdun commence côté allemand le 17 février. Pour l'occasion, les Allemands concentrent 168 avions dont 21 Fokker. Boelcke reçoit l'autorisation d'installer son propre terrain d'aviation à quelques kilomètres du front, afin de pouvoir intervenir plus rapidement. Il envisage naturellement (c'est dans son tempérament) des opérations offensives en territoire ennemi. Le 11 mars, il est envoyé à la tête d'un détachement de la Feldfl.Abt 62 (Feldfliegerabteilung 62 / 62ème section d'aviation de campagne) à Sivry, au nord de la côte du Mort-Homme. Il en profite pour regrouper les Fokker monoplans de son unité. Cette initiative est dans le droit fil de la mise en place des KEK (Kampfeinsitzerkommandos / détachements de monoplaces de combat) et son unité devient la KEK III. Ces KEK étaient en fait des détachements de quelques avions installés de façon assez rustique sur un champ d'aviation improvisé au confort rudimentaire, un sorte de terrain d'aviation avancé de campagne installé au plus près de la ligne de front.

 

          Néanmoins, l'esprit défensif du commandement de la Fliegertruppe lui fait manquer une occasion unique de couper par une attaque aérienne la Voie Sacrée, artère vitale alimentant le front français de Verdun. Boelcke obtient sa dixième victoire (un biplan Farman abattu près de la côte de Talou dans la Meuse) le 12 mars, le jour suivant son arrivée à Sivry. Il enchaîne le lendemain avec un biplan Voisin au-dessus de Malancourt. Du 19 mars au 21 mai, Oswald Boelcke enregistre 8 victoires supplémentaires, portant son total à 18. Le 23 mars, il est promu Oberleutnant sur ordre personnel du Kaiser, puis le 23 mai il devient le plus jeune Hauptmann (capitaine) d'active de l'armée allemande. Il est connu dorénavant sous le surnom de "fameux Boelcke", redouté par ses adversaires, admiré par ses compatriotes. Tous les grands personnages veulent le rencontrer, il devient l'un des symboles de l'Empire allemand.

 

 

Changement d'un moteur Oberursel sur un Fokker E.III du KEK.III à Sivry.

On note que l'appareil n'est équipé que d'une seule mitrailleuse.

 

          Ces succès masquent cependant un retournement de situation. Les Alliés se reprennent et un nombre de plus en plus important de pilote allemands sur Fokker monoplan disparaissent : aucun des quinze premiers pilotes d'Eindecker ne survivra à l'année 1916.

 

INTERDIT DE VOL PAR LE KAISER

 

          Depuis novembre 1915, Boelcke multiplie les comptes rendus directs, sans suivre la voie hiérarchique, aux plus hautes instances de la Fliegertruppe. Il donne son appréciation technique sur les matériels, mais essaie aussi de tirer les enseignements des combats. Bénéficiant ainsi d'appuis au sein du haut-commandement et grâce à sa notoriété grandissante, Boelcke participe aux discussions de Charleville sur la formation des nouvelles Staffeln, mais il est aussi impliqué dans l'expérimentation des nouvelles solutions techniques présentées aux armées. Il est d'ailleurs en train de tester le premier biplan de chasse  Fokker D-I à moteur Mercedes de 120 ch quand survient l'annonce de la mort accidentelle de Max Immelmann. Boelcke, alors as des as des deux camps avec 18 victoires, est immédiatement interdit de vol par le Kaiser en personne pour éviter un nouveau coup au moral des allemands.

 

Lors de sa cinquième mission de la journée, l'Hauptmann Oswald Boelcke perdra la vie suite à un accrochage en vol avec son ailier, le Leutnant Böhme, lors d'un combat aérien contre des avions britanniques le 28 octobre 1916.

 

                                                        l'Hauptmann Oswald Boelcke porteur :

                                             - au col, de la Croix "Pour-le-Mérite" (en français),

                                                 la plus haute distinction allemande à l'époque,

                                            - à la boutonnière, la Croix de Fer de 2ème classe,

                                           - sur la veste, et la Croix de Fer de 1er classe

 

 

Je recherche des photos ou cartes postales ou témoignages oraux pour me permettre de situer plus exactement cet aérodrome. Mon adresse électronique : luc.petitjean0685@orange.fr

Merci.

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